Pourquoi éduquons nous nos chiens?
Par sécurité tout d’abord, mais pas que. Par respect pour autrui, par praticité, par confort, par fierté, par culpabilité, par envie, par besoin etc… Autant de raisons qui nous amènent à multiplier les commandes.
Mais jusqu’où pouvons nous aller dans le contrôle de nos chiens sans remettre en cause leur bien être? C’est la question du jour.
Tout d’abord, petit point sémantique. Nous allons parler de demande et non pas d’ordre.
Pourquoi? C’est une question de perception. Si mon chien n’obéit pas à un ordre, je vais me dire qu’il se rebelle, qu’il ne respecte pas mon autorité, qu’il décide sciemment de ne pas m’écouter.
Alors que si mon chien ne répond pas à ma demande, je vais me demander « L’ a t il comprise ? » (l’ai je bien enseignée?) Etait elle correctement formulée? (Mon attitude corporelle et mon intention était en accord avec ce que j’ai dit?) Etait elle juste? (Physiquement, mentalement, émotionnellement?) Etait elle réalisable? (Physiquement, mentalement, émotionnellement toujours).
Bref dans un cas le mot sous entend une rébellion du chien requérant au minimum une réprimande, voir une correction, dans l’autre il invite à se pencher sur les motivations de l’autre. La demande est non seulement beaucoup plus juste, mais elle ouvre aussi beaucoup plus de possibilité d’action en cas de non réponse.
Le deuxième point concerne la façon dont la demande a été enseignée. Elle est toujours corrélée à une émotion et si son enseignement a été vecteur de stress, d’inconfort voir de douleur pour le chien, qu’elle soit demandée 1 ou 15 fois par jour, elle ne sera jamais agréable pour le chien.
Et utiliser des bonbons ne veut pas dire travailler avec un chien joyeux ( tout comme l’absence de bonbon ne veut pas dire l’inverse).
Enseigner de façon respectueuse et positive c’est être clair, précis et constant, dans un environnement non stressant et en respectant les capacités et l’envie de travail de l’animal, en valorisant les bonnes actions et rendant inopérantes celles qui ne nous conviennent pas.
Enfin, troisième point avant d’entrer véritablement dans le vif du sujet, quelles sont les conditions de réalisation de la demande?
Peu importe que vous considériez le couché comme une demande et non un ordre, et que son apprentissage ait été un vrai moment de plaisir pour votre chien, si vous demandé à votre chien qui a peur de ses congénères de se coucher pour laisser passer un chien, vous n’êtes pas juste envers lui. Il n’y a rien de moins naturel que de rester immobile à regarder quelque chose d’effrayant se rapprocher, surtout dans une posture ralentissant le passage à l’action (fuite ou attaque).
Pour en arriver enfin à nos moutons: faire des demandes à notre chien peut il nuire à son bien être?
La réponse est sans aucun doute oui, c’est possible. Et comme souvent, tout est dans le dosage.
Le problème vient il du fait que les chiens ont besoin d’exercer leur libre arbitre? Aucune espèce d’idée, si il y a indéniablement des individus plus indépendants que d’autres, dire que les chiens ont besoin d’être maitre de leur vie et de leurs actions seraient une affirmation très hasardeuse.
Mais voilà les risques auxquels nous exposent trop de demandes (en gardant à l’esprit que le seuil du trop est extrêmement variable d’un chien à l’autre).
- Trop, c’est trop!
Lorsque nous formulons une demande, nous interrompons notre chien dans son comportement, soit dans la phase de préparation ( le chien a vu le chat et va lui courir après), soit dans sa phase active (le chien court après le chat) – Et même dans des circonstances moins évident, comme le chien qui se repose tout simplement. Dans tous les cas nous l’empêchons d’atteindre la finalité de son comportement, sa phase d’apaisement, nous créons donc une frustration. Plus nous interrompons de comportements, plus nous créons des frustrations, plus nous en créons plus il nous est difficile de les compenser. Avec les conséquences possibles suivantes:
1/ Nos futures demandes se verront adresser une fin de non recevoir. Adieu « Stop », « Retour » et autres « Tu laisses », je suis parti en vacances.
2/ Des comportements compensatoires gênants. Comme manger les meubles par exemple.
3/ Apparition de maladies psycho-somatiques ou émotivo somatiques. Stéréotypies, problèmes de peau et autres joyeusetés.
- L’arbre qui cache la forêt.
Parfois, faire disparaître un comportement qui nous dérange en demandant un autre comportement au chien ne fait que masquer un besoin qu’il exprime.
Prenons l’exemple du chien qui tire en laisse. Je peux renforcer, renforcer, renforcer le comportement souhaité = la laisse détendue jusqu’à obtenir une marche en laisse confortable.
Mais voilà, ce chien là tirait en laisse parce qu’il sort trop peu, atteindre les sollicitations de l’environnement est donc bien trop motivant pour qu’il prête la moindre attention à la tension de la laisse, -qui, si elle n’est pas confortable pour nous, ne l’est pas pour lui non plus (en dehors des harnais conçus pour la traction). Et en le sortant juste un peu plus, en répondant à son besoin de promenade, j’aurais obtenu un chien moins excité par son environnement, et qui ne tire donc plus en laisse.
(Il s’agit ici uniquement d’un exemple, un chien qui tire ne cache parfois rien d’autre qu’un chien qui tire).
Éviter les comportements gênants en enseignant d’autres ne fait parfois que masquer le problème.
- I’m lost without you.
A habituer le chien à répondre à une demande dès que l’environnement se modifie un chouilla peut aussi mener à la perte d’autonomie. Le chien apprend que lorsque quelque chose survient, il faut prêter attention à l’humain, que quelque chose va venir. Or, l’équilibre d’un chien provient aussi de sa capacité à faire face à des situations variées.
Cela veut il dire qu’il faut cesser d’éduquer nos chiens pour les rendre plus heureux? Certainement pas. Tout d’abord parce que les règles donnent un cadre au chien, rendent son environnement plus prévisible et donc plus rassurant. Ensuite parce que le bien être de notre chien ne doit pas prévaloir sur celui d’autrui et que ce n’est pas parce qu’on le veut heureux qu’il doit ennuyer tout le monde. Et on le veut heureux et pas mort, il est donc capital qu’il sache répondre à un certain nombre de demandes.
Le but ici est d’amener à une réflexion sur:
- La légitimité de nos demandes
Ai je réellement besoin qu’il soit assis avant de traverser? Je peux avoir besoin qu’il s’arrête au bord des trottoirs, mais ce comportement est suffisant, pourquoi y adjoindre la contrainte d’une position? Ne serait il pas plus équilibré de le laisser choisir dans quelle posture il préfère attendre le signal de libération?
Ai je réellement le droit de demander à mon chien de ne pas aboyer dans le jardin alors qu’il est resté seul pendant 9h et qu’il a beaucoup (vraiment beaucoup) d’énergie à évacuer?
- La façon dont nous construisons les bons comportements
Ai je besoin de mettre un mot sur ce comportement et de demander au chien de l’exécuter ou puis je faire en sorte de l’amener à choisir de lui même le comportement souhaité?
Par exemple, je ne veux pas que mon chien suive les vélos. Je peux enseigner et demander un retour, une marche au pied, une immobilisation (faites vos choix) lors de croisement avec des vélos. Mais je peux aussi le mettre en longe, contrôler la distance d’exposition et bloquer les velléités de poursuite, jusqu’à ce que, ce comportement ne payant pas, le chien se reporte sur une autre activité. Ou je pourrais tenter encore un autre enseignement.
(Ici aussi il s’agit d’un exemple et pas d’une vérité fonctionnant à tous les coups, pour tous les chiens. Suivant l’intensité de la réaction du chien vis à vis des vélos, les raisons de cette réaction, l’environnement, votre maîtrise des différentes techniques etc, le meilleur protocole à mettre en place ne sera pas le même).
- La possibilité que nous offrons à nos chiens d’être simplement des chiens
Des fois, souvent, notre exigence n’est pas de notre fait. L’environnement nous oblige à intervenir, rappeler, contrôler. Vivant en ville depuis que j’ai des chiens, je connais bien cette problématique.
Aussi devons nous demander, est ce que mon chien a la possibilité de répondre à ses besoins de chien, malgré mes 40 rappels par balade pour cause de chien/joggeur/poussette/ personne âgée/vélo/ route/cheval… l’empêchant de suivre la piste qui est au bout de son nez? Et le cas échéant, mettre en place les conditions nécessaires pour laisser notre chien s’éclater dans ce qui fait de lui un chien (du style courir, creuser, pister, se rouler) en modifiant lieu, horaire, météo et destination.
En somme, si l’éducation de nos chiens est un indispensable, ne nions pas l’effort que cette obéissance quotidienne leur demande et soyons justes: pas trop, pas tout le temps, pas trop longtemps.
C’était la tirade du mardi soir! A la prochaine
NB: Il s’agit ici d’obéissance quotidienne et non pas des demandes que nous pouvons formuler dans le cadre de tricks ou autres sports canins qui, si ils sont bien réalisés, sont le moyen de jouer, resserrer les liens et même répondre à certains besoins du chien (raison pour laquelle on devrait choisir le sport en fonction du chien et pas prendre un chien pour faire un sport, mais j’y reviendrais plus tard).